La France est malade de sa politique : une analyse par Dr Gilbert Moujabber

 

La France, ce grand pays dont l’histoire a façonné les idéaux démocratiques du monde entier, traverse aujourd’hui une crise profonde, un malaise qui dépasse les simples enjeux partisans. La République française est malade, et sa politique en est le symptôme le plus évident. Cette maladie, insidieuse, ronge les fondements mêmes du système démocratique français, mettant en péril son avenir et sa stabilité.

 

En tant que professionnel habitué à diagnostiquer les maladies du corps humain, j’observe aujourd’hui avec inquiétude une pathologie collective dans le corps politique français. La France souffre d’un mal systémique qui doit être identifié, analysé et traité de manière urgente. Voici mon diagnostic.

 

I. Symptômes alarmants : les signes d’une politique en déclin

 

Comme tout médecin face à un patient, il est essentiel d’observer les symptômes avant d’identifier les causes profondes. Voici les manifestations les plus préoccupantes du mal qui ronge la France.

1. Une fracture entre le peuple et ses élites

La défiance des citoyens envers leurs dirigeants est à un niveau critique. Aujourd’hui, les Français ne croient plus en leurs institutions : ni le Parlement, ni la présidence, ni les partis traditionnels ne trouvent grâce à leurs yeux. Cette rupture entre le peuple et les élites est comparable à une plaie ouverte, qui s’infecte à mesure que la distance entre les deux grandit.

Cette méfiance n’est pas nouvelle, mais elle s’est amplifiée avec des mouvements comme celui des gilets jaunes, qui a mis en lumière une France des oubliés. Ces citoyens, souvent issus des zones rurales ou des périphéries urbaines, se sentent abandonnés par un système qui semble privilégier les grandes métropoles et les classes aisées.

2. Un système politique sclérosé

Le régime de la Cinquième République, conçu pour garantir la stabilité, montre aujourd’hui ses limites. L’hyper-concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République étouffe le débat démocratique. Le système est devenu rigide, incapable de s’adapter aux défis modernes, comme une articulation bloquée par des années de négligence.

3. Une polarisation extrême et dangereuse

La France est aujourd’hui divisée en deux blocs opposés : une extrême droite qui gagne en popularité en jouant sur les peurs identitaires, et une gauche radicale qui dénonce les inégalités avec véhémence. Entre ces deux extrêmes, le centre politique semble incapable de rassembler une majorité cohérente. C’est une véritable fracture idéologique, comparable à une gangrène qui menace de paralyser le système tout entier.

4. Une société en ébullition

Les manifestations, grèves et contestations sociales sont devenues des constantes en France. Chaque réforme, chaque décision gouvernementale semble déclencher une vague de colère. Le patient qu’est la France souffre d’un état inflammatoire chronique, alimenté par des inégalités sociales et un sentiment d’abandon.

 

II. Causes profondes : les racines d’un mal systémique

 

Pour comprendre cette maladie politique, il faut examiner les causes qui l’ont engendrée. Comme un corps affaibli par des années de mauvais traitements, la France paie aujourd’hui le prix de décisions et de politiques qui ont négligé les fondamentaux.

1. Une centralisation excessive du pouvoir

Depuis des décennies, le pouvoir est concentré à Paris, au détriment des régions. Les zones rurales et les petites villes souffrent d’un déclin économique et social, tandis que les grandes métropoles prospèrent. Cette fracture territoriale est une forme de malnutrition politique : certaines parties du corps reçoivent toutes les ressources, tandis que d’autres s’atrophient.

2. L’impact brutal de la mondialisation

La désindustrialisation, la concurrence internationale et les délocalisations ont laissé des millions de Français dans une situation précaire. Ces changements rapides ont été mal gérés, laissant des cicatrices profondes dans le tissu social. C’est comme si le corps avait subi un traumatisme violent, sans jamais recevoir les soins appropriés.

3. Un effondrement des repères politiques

Les partis politiques traditionnels, autrefois solides et structurants, se sont effondrés. Le Parti socialiste et Les Républicains, piliers de la vie politique française, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Ce vide idéologique est comparable à une perte d’identité : la France politique ne sait plus qui elle est, ni où elle va.

4. Un creusement des inégalités

La montée des inégalités économiques et sociales est au cœur du ressentiment populaire. Les classes populaires et moyennes se sentent étranglées par un système qui semble favoriser les élites. C’est un déséquilibre systémique, comme un corps dont certains organes sont suralimentés, tandis que d’autres s’épuisent.

 

III. Traitements possibles : un plan pour guérir la politique française

 

Face à un tel diagnostic, il serait irresponsable de ne pas proposer de solutions. Si la France veut guérir, elle doit entreprendre une véritable réforme de son système politique, économique et social. Voici les remèdes que je préconise.

1. Décentraliser pour mieux représenter

Il est impératif de redonner du pouvoir aux régions et aux collectivités locales. Cela permettrait de réduire les inégalités territoriales et de reconnecter les citoyens avec leurs élus. La décentralisation est comme une thérapie de réhabilitation : elle redonne de la mobilité à un corps bloqué.

2. Réformer le système institutionnel

La Cinquième République doit évoluer. Il est temps de limiter les pouvoirs présidentiels, renforcer le rôle du Parlement et introduire des mécanismes de démocratie participative. Une telle réforme serait comparable à une opération chirurgicale visant à rétablir l’équilibre dans le corps politique.

3. Combattre les inégalités à la racine

Une fiscalité plus juste, des investissements dans l’éducation et la santé, et un soutien accru aux zones rurales sont indispensables pour réduire les fractures sociales. C’est un traitement de fond, qui nécessite du temps et de la persévérance, mais qui est essentiel pour la survie du patient.

4. Favoriser un leadership rassembleur

La France a besoin de dirigeants capables de dépasser les divisions idéologiques et de proposer une vision commune. Un tel leadership serait comme un cœur sain, capable de pomper le sang dans tout le corps sans discrimination.

5. Écouter le peuple, vraiment

Enfin, il est crucial de restaurer la confiance entre les citoyens et leurs institutions. Cela passe par des consultations régulières, des dialogues ouverts et une véritable transparence. Écouter, c’est soigner. Ignorer, c’est aggraver le mal.

 

Conclusion : un sursaut vital pour la République

 

La France, malgré sa maladie politique, reste un pays résilient. Elle a surmonté des crises majeures dans le passé, et elle peut encore se réinventer. Mais le temps presse. Si elle ne s’attaque pas rapidement à ses maux, les conséquences pourraient être désastreuses, non seulement pour elle-même, mais pour l’Europe et le monde entier.

 

La République française est comme un grand corps malade. Elle souffre, mais elle peut guérir. Elle vacille, mais elle peut se redresser. Cependant, cela nécessite un effort collectif, une prise de conscience profonde et un courage politique sans précédent. En tant que médecin, je crois fermement qu’aucune maladie n’est incurable, à condition de trouver le bon traitement et de l’appliquer avec détermination.

 

Dr Gilbert Moujabber

Analyste, observateur des systèmes humains et politiques